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Libraires : un métier voué à disparaître ?

Plan de l'article

Libraires : un métier voué à disparaître ?

Est-ce le temps d’oublier les librairies dites traditionnelles ? 

Selon le rapport statistique récent du Syndicat national de l'édition, « Les chiffres de l’édition », publié chaque année, la vente de livres en 2020 a baissé de 2,19% par rapport à l’année précédente. Les chiffres d’affaires des éditeurs ont vu un recul de 2,36% par rapport à l’année précédente, ce qui est un résultat plutôt satisfaisant dans un monde qui essaie toujours de vaincre la pandémie. Malgré la guerre incessante entre les livres dits traditionnels et les formats numériques et Amazon, les libraires et les librairies ne sont pas près de disparaître.

La crise sanitaire a frappé dans tous les secteurs, ou presque : le métier de libraire s’est avéré essentiel, si ça n’a pas été pour son côté médical, ça l’a sûrement été pour le bien-être psychique de la société. 

Querelle des Anciens et des Modernes, ou le livre traditionnel versus la liseuse

Ceci est un changement très positif pour le secteur du livre, en baisse depuis quelques années. Le métier de libraire et les librairies elles-mêmes sont en train d’être remplacés par les livres numériques omniprésents, les formats ebook, les tablettes et les liseuses. Emporter sa Kindle nous paraît plus facile que de prendre un livre, très souvent lourd et qui s'abîme dans notre sac à dos. Et si nous n’avions finalement pas envie de lire le livre que l’on a choisi... ? Avec la liseuse, le problème est quasi-inexistant : si le livre ne nous plaît pas, il nous en reste 10 autres que l’on a téléchargés et probablement oubliés. Avec le livre papier, c’est plus compliqué et surtout très frustrant. 

Emploi de libraire, ce métier qui nous fait ressentir de la mélancolie

La librairie est depuis toujours un endroit mystérieux, rempli de milliers et milliers de livres qui nous fascinent. Même aujourd'hui, les librairies restent, avec les magasins d’antiquités, des endroits magiques mais... anciens, des reliques du passé, même si l’on parle d’un passé très agréable. Et les libraires, eux aussi, ne se battent pas contre ce stéréotype qui devient de plus en plus nuisible pour le secteur. Neil Jomunsi, un ancien libraire qui a créé sa propre maison d’édition de livres numériques, Walrus, déclare : « Il faut se méfier de l'approche nostalgique et mélancolique du métier de libraire. Dans certaines librairies en France, on entre quelquefois en s'excusant presque d'être là. Ça ne se passe pas comme ça dans les librairies anglo-saxonnes, où il y a des fauteuils, des banquettes et où l’on peut se poser pour lire quelques pages. En France, le livre se consomme debout et l’on a à peine le droit d'ouvrir le livre avant de passer à la caisse. C'est une culture qui est en train de desservir la librairie » 1

Les librairies devraient alors se moderniser, et moderniser aussi leur approche au public : ils pourraient devenir des lieux de rencontres, des endroits conviviaux, où chaque arrivant est le bienvenu et où, grâce à une offre vaste et à la médiation culturelle bien menée, on voudrait y rester longtemps et y retourner régulièrement. L’éventail de possibilités est énorme ! 

L’existence des librairies, un débat infini, un futur incertain

Ce doute concernant la place des librairies dans le monde contemporain n’a rien de nouveau ! « L’apparition du romanfeuilleton, des publications en livraisons ou des « bibliothèques » divisées en volumes à moins d’un franc chacun, participent de ce que d’aucuns nomment – pour décrier le dépérissement supposé des Belles lettres – la littérature industrielle »2. Même au XIXe siècle, l’apparition des rayons de livres dans les grands magasins a été largement débattue : les livres et la lecture ont arrêté d’être un indicateur de position sociale ; sa vulgarisation allait à l’encontre de groupes privilégiés qui faisaient de la lecture une activité pour les élus, complètement inaccessible pour le peuple. On a vu le même scénario quand les supermarchés ont invité les livres dans leurs rayons, ou encore dans les années 70 dans le cas des grandes surfaces culturelles. D’un côté, l’opinion des puristes qui disent que les librairies sont le seul endroit où il serait possible d’acheter des livres, d'autre part, la prétendue obsolescence des librairies serait liée à la modernisation de notre rythme et style de vie : s’il est possible d’acheter des livres à la gare ou dans un kiosque, pourquoi les librairies existent-elles encore... ? 

Il paraît que le sort de librairies, surtout des librairies indépendantes, a depuis longtemps été incertain. C'est notamment pour les soutenir que la France a adopté des lois telles que la loi relative au prix du livre, ou plus communément, la loi Lang de 1981, instaurant un prix unique à chaque livre sur le territoire français. 

L'emploi de libraire : défis et difficultés

Le métier de libraire n’est pas parmi les plus faciles : entre les difficultés qu’ils doivent surmonter en tant que représentants de librairies indépendantes, on peut énumérer la baisse progressive de la consommation de livres dits traditionnels, mais aussi l’augmentation des loyers, elle aussi progressive, dans les grandes villes françaises. S’ajoute à cela le marché numérique en fort développement, ou les difficultés dans les relations avec les distributeurs et éditeurs. Il y a bien sûr la question de la légitimité des petites librairies indépendantes face aux grandes surfaces culturelles… 

Des grandes surfaces et notamment la Fnac ont pourtant joué leur rôle, d’ailleurs très important, dans la démocratisation de l’accès à des biens culturels. Ce géant culturel qui a commencé la vente de livres en 1974, a aussi révolutionné l’approche que le public a auprès d’eux. L’introduction du système de « libre-accès assisté à la demande » a enlevé le côté élitiste des librairies indépendantes, en même temps anéantissant en quelque sorte le métier de libraire. La Fnac a aussi changé l’approche du public dans l’espace de vente des livres, en introduisant, comme son nom l’indique, une grande surface où les clients peuvent naviguer librement. Cette liberté est rendue possible grâce à des panneaux d’information, mais aussi des classements, de la meilleure vente livre de la semaine ou du mois, du prix Goncourt... D’autres acteurs ont aussi démocratisé l’accès aux livres, notamment grâce à l'introduction de la vente de livres d'occasion. On peut ici citer BOOK OFF ou Gibert Joseph. Face à ces nouveaux géants, l’emploi de libraire est devenu une profession à risque, souvent exercée par passion que pour le gain financier. 

Coronavirus : tueur ou sauveur ? 

Paradoxalement, la crise sanitaire qui a frappé le monde en 2020, a aidé les librairies indépendantes à rebondir, au moins dans les yeux et les cœurs des Français. Avec les grandes surfaces fermées, cloîtrés chez eux, les citoyens ont largement soutenu leurs libraires en achetant de nombreux exemplaires. Selon un sondage Odoxa pour SNE, intitulé « Les Français et la lecture : conséquences des confinements »3, pendant le premier confinement de 2020, 33% des Français se sont mis à lire davantage. Ce chiffre s’applique particulièrement aux lecteurs de moins de 25 ans. La lecture a été pour eux une façon de lutter contre l’ennui, mais aussi de se détacher de l’actualité triste et de l’incertitude omniprésente. Pour beaucoup d’entre eux, c’était aussi une alternative aux réseaux sociaux qui se sont avérés nocifs, souvent consommés excessivement. Et ses effets négatifs ne se limitent pas à la détérioration de la santé psychique des jeunes ; les réseaux sociaux qui sont criblés de fautes d’orthographe, figurent, avec le fait que cette génération lise beaucoup moins que celle de leurs parents, parmi les raisons principales d'appauvrissement du niveau de la langue française dans cette tranche d’âge. C’est pour cela que ce retour vers la lecture est particulièrement bénéfique.  

En 2020, en envisageant le troisième confinement hypothétique, presque 85% des Français se sont opposés à la fermeture des librairies, dont 91% de séniors, pourtant appartenant à la partie de la population la plus menacée par le virus. 

La meilleure vente livre dans cette période anxieuse : le roman policier, qui nous transporte dans un monde parallèle, pas forcément fantastique, mais qui au moins n’est pas rempli de la peur provoquée par la pandémie mondiale. Il faut aussi noter que certains genres auparavant oubliés ont vu une hausse en 2020. C'est notamment la bande dessinée qui connaît une progression de 6% de ses ventes ; les livres de santé et de cuisine voient quant à eux une hausse de ventes respective de 7,5% et de 15% ! Et comme les livres que l’on achète sont souvent un reflet de notre vie quotidienne, en 2020, les ventes de livres de tourisme ont baissé de 59%... 

2020 : le retour vers la tradition

Notre approche aux librairies indépendantes a été transformée pendant cette période. La société a largement apprécié le côté humain et presque intime de ces endroits, et le libraire avec sa connaissance vaste et son don de conseil est devenu très prisé. La librairie est finalement parvenue à devenir un lieu de rencontres et d’échanges !

La crise sanitaire a renforcé notre sentiment d’attachement aux libraires et à l’emploi de libraire. Vincent Montagne, le président du Syndicat national de l’édition, dit que « face aux incertitudes et à la surconsommation anxiogène d’Internet et des réseaux sociaux, le livre est plébiscité par le public, notamment par les plus jeunes, comme un véritable antidote, (…) les Français sont et restent intimement attachés à leurs librairies ». Malgré les difficultés rencontrées par le secteur de l’édition, les librairies sont toujours là ! La période post-covid peut être une occasion, grâce à l'outil de médiation culturelle, de transformer ces endroits en lieux d’accueil et de conseils, mais aussi un lieu d’événements culturels comme des rencontres avec les auteurs ou des clubs de lecture. La mise en valeur des librairies peut également se faire en ligne ! Tout cela est facilité par l'apparition et la popularité croissante de plateformes telles que Goodreads ou Riffle qui font de la lecture une activité branchée et sociale. 

Métier de libraire : profession du futur ?

Les libraires doivent désormais réfléchir à une façon d'adapter leur activité aux besoins de leur clientèle : avec le marché de l’édition numérique dont le chiffre d’affaires en 2020 s’élève à 263,6 millions d’euros, soit 10,1% du chiffre d’affaires total des ventes de livres des éditeurs (2 606 millions d’euros)4, le livre numérique ne peut et ne doit pas être ignoré. L'emploi de libraire en 2021, c’est aussi la capacité d’adaptation : les librairies indépendantes pourraient vendre des liseuses, comme ça se fait déjà dans certaines librairies... ? La digitalisation de cet espace est essentielle pour leur survie. Il y a aussi des librairies numériques en ligne qui offrent des milliers de titres à portée d’un clic. Peut-on imaginer un nouveau métier de libraire, en ligne, qui conseillerait les clients à l’aide d’un chatbot ? L’emploi de libraire n’est certainement pas condamné à l’oubli ; même face aux géants de la vente de livres numériques, les librairies font partie intégrante de chaque communauté et ont encore de beaux jours devant eux ! Quoi de mieux que l’odeur d’un nouveau livre … !

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Publié le  
8/12/2021
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