Pédagogie

Réforme de l'orthographe : était-ce vraiment utile ?

Plan de l'article

Quand on pense à la réforme de l’orthographe française, le mot qui nous vient immédiatement à l’esprit est « nénuphar », que les recommandations de 1990 proposent de modifier en « nénufar ». Cette nouvelle écriture a cristallisé pendant près d’un an une polémique qui en disait long sur le malaise provoqué par les rectifications proposées par le Conseil supérieur de la langue française. Le français est de longue date assimilé à l’identité nationale. Le chambouler reviendrait donc à ébranler les bases de la société. Sur le métier depuis plus de 30 ans, la réforme de l’orthographe a pourtant progressivement rattrapé ce qui, en matière de langue, fait réellement autorité : l’usage. Chronique d’un changement dans la longueur.

Orthographe réformée en France : une référence…pas obligatoire

Plusieurs réformes de l’orthographe ont eu lieu depuis la création de l’Académie française au XVIIsiècle. En 1740, un mot français sur quatre a été transformé. D’autres modifications ont été réalisées en 1835, 1878 et en 1935. Pourtant, lorsqu’en 1990 le gouvernement a sollicité de Conseil supérieur de la langue française pour résoudre « les problèmes graphiques » et « tenter d'éliminer les incertitudes ou contradictions », les protestations n’ont pas tard à se faire entendre. 

Une réforme en plusieurs temps

Ce chœur de reproches, qui soutenaient notamment que la réforme de l’orthographe encourageait un nivellement par le bas, s’appuyait sur le caractère parfois flou et facultatif des nouvelles règles. Certes, le Conseil supérieur de la langue française a édicté les grands principes mais l’ensemble des mots qui ont réellement été impactés n’a été circonscrit que plusieurs années plus tard. En effet, le dictionnaire Le Robert met un an, après l’annonce des recommandations, à produire un document de 2 400 mots modifiés. Chantal Contant, grammairienne et informaticienne à l’origine de la création du logiciel de correction Antidote, publie en 2019 son <em>Grand vadémécum</em> qui compte un peu plus de 5 000 termes modifiés. C’est aujourd’hui une référence pour tous les acteurs de la langue française : les lexicographes, terminologues, pédagogues ou enseignants. 

Recommander n’est pas imposer

Mais ce qu’il faut savoir, c’est que l’orthographe réformée en France est une recommandation et non une obligation. C’est pourquoi vous ne commettez pas de faute si vous écrivez encore « il paraît » avec un accent circonflexe. Qu’est-ce qui a changé en 2016 ? La réforme est officiellement applicable dans les administrations et les écoles après deux rebondissements : en 2008, les programmes scolaires stipulent que les professeurs doivent tenir compte des modifications dans leur enseignement de la langue française. Mais en 2012, le Bulletin officiel (BO) rappelle que ces nouvelles prescriptions ne sauraient être imposées, ce qui crée une tolérance vis-à-vis de deux graphies possibles pour certains mots. Alors, pourquoi ne pas imposer purement et simplement cette nouvelle écriture ?

Le vrai changement, c’est l’usage de l'orthographe

L’Académie française, qui a pourtant soutenu cette initiative à ses débuts, a parlé de « rectifications » plutôt que de réforme et s’est défendu de cautionner une quelconque simplification sans fondement : « Certaine que l’usage ne saurait être modifié par décret, l’Académie, opposée à toute prescription de caractère obligatoire en matière d’orthographe, a préféré, pour présenter ces modifications limitées et mesurées, suivre la voie de la <em>recommandation</em> ». Autrement dit, on ne peut pas imposer aux gens ce qu’ils ne sont pas prêts à écrire. 

Trente ans pour se familiariser avec les enjeux de la réforme

Car, de fait, proposer une nouvelle écriture, c’est toucher à un patrimoine fédérateur de toute la société. Bon ou pas en orthographe, les locuteurs français se sont soumis aux étrangetés de la langue toute leur scolarité et il est impossible d’infléchir les pratiques du jour au lendemain. C’est pourquoi cette réforme de l’orthographe amorcée il y a plus de trente ans met autant de temps à s’intégrer à l’usage : il faut parier sur le renouvellement des générations et laisser le temps à de nouvelles habitudes de faire leur chemin. 

Ainsi, on constate une plus large application de la nouvelle orthographe à l’école élémentaire qu’au collège et au lycée. Les rectifications et harmonisations proposées peuvent faciliter la vie des jeunes élèves. Par exemple, la conjugaison des verbes en -eler et en -eter est simplifiée par la suppression des consonnes doubles au profit de l’accent grave. Pourtant, les verbes « jeter » et « appeler » ne sont pas concernés. La preuve que l’usage a la vie dure. Même si l’on sait que la langue est un objet vivant qui n’a cessé d’évoluer, les propositions trop artificielles ne convainquent pas. 

La nouvelle écriture adoptée quand elle répond à un besoin

Cependant, si on prend le temps d’observer les écrits actuels, on peut relever que l’orthographe traditionnelle côtoie la nouvelle écriture. L’exemple le plus flagrant réside dans l'accord des noms composés. Les (très) nombreuses règles qui sévissaient en fonction de la nature des mots qui composaient le terme ont disparu au profit de la règle d’accord appliquée au mot simple. C’est pourquoi vous trouverez plus facilement sur les sites ou les emballages le mot « cure-dent » alors que l’habitude historique voudrait que l’on écrive « cure-dents » (parce qu’on nettoie plusieurs dents). 

Ainsi, la lente évolution des pratiques absorbe à son rythme les recommandations qui semblent les plus naturelles. C’est d’ailleurs ce qu’avait prévu Maurice Druon, secrétaire perpétuel de l’Académie française : « Il a été entendu que les propositions des experts devraient être à la fois fermes et souples : fermes, afin que les rectifications constituent une nouvelle norme et que les enseignants puissent être informés précisément de ce qu’ils auront à enseigner aux nouvelles générations d’élèves ; souples, car il ne peut être évidemment demandé aux générations antérieures de désapprendre ce qu’elles ont appris, et donc l’orthographe actuelle doit rester admise. »

Réforme de de l'orthographe et nouvelle écriture : les points essentiels

Donc rassurez-vous, vous n’êtes pas obligés de faire table rase de tout ce que vous avez appris pour écrire aujourd’hui sans fautes. Mais comme les usages changent, voici ce que vous devez savoir pour être incollables sur la nouvelle écriture.

Astuce : rendez-vous sur notre Catégorie | Blog OrthographIQ | Règles d'orthographe et de grammaire pour entrer dans les détails !

Les nombres

Avant la réforme : on met un trait d’union entre les dizaines et les unités 

ex. : cent vingt-trois

Après la réforme : on peut désormais placer un trait d’union entre chacun des termes d’un nombre composé.

ex. : cent-vingt-trois

Les noms composés

L’accord

Avant : il existe toute une batterie de règles que l’on ne détaillera pas ici. L’accord diffère en fonction de la nature des termes qui composent le mot : nom+nom, verbe+nom, verbe+verbe, etc.

ex. : un compte-gouttes/ des compte-gouttes (le premier mot est un verbe qu’on n’accorde pas et on compte <em>les gouttes</em>)

Après : les noms composés se comportent comme des noms simples : pas d’accord au singulier, -s ou -x au second mot au pluriel :

ex. : un compte-goutte/ des compte-gouttes

La soudure

Certains mots composés, affectés d’un trait d’union, s’en débarrassent. 

ex. : pique-nique -> piquenique

La soudure s’impose dans un certain nombre de noms, en particulier :

-> dans les mots composés de contr(e)- et entr(e)-

-> dans les mots composés de extra-, infra-, intra-, ultra-

-> dans les mots composés avec des éléments comme hydro-, socio-,etc.

-> dans les onomatopées (ex. : tictac) et dans les mots d’origine étrangère (ex. : weekend).

Les mots empruntés à d’autres langues

Avant : on conserve leur orthographe d’origine.

ex. : a capella

Après : ils s’accentuent et font leur pluriel de la même façon que les mots français.

ex. : à capella

On remarquera que l’usage prévaut, même dans ce domaine. Ainsi, le mot « pizza », complètement francisé, s’accorde déjà au pluriel comme un mot de notre langue. Personne ne va chercher des « pizze » en France !

L’accent grave

L’accent est modifié s’il permet au mot d’être conforme à la prononciation : 

Avant : événement, réglementaire

Après : évènement, règlementaire

De plus, on emploie l’accent grave au futur et au conditionnel des verbes qui se conjuguent sur le modèle de « céder », et dans les formes du type « puissè-je ».

L’accent circonflexe

Il est conservé sur les voyelles -a, -e et -o et n’est plus obligatoire sur -i  et -u , sauf lorsque le sens le requiert.

Avant : boîte, coût, je m’entraîne

Après : boite, cout, je m’entraine

L’accent reste nécessaire pour distinguer <em>dû, jeûne, mûr, sûr</em> des homonymes <em>du, jeune, mur, sur</em>, et pour identifier certaines formes verbales : 

-> il fut (passé simple)/ qu’il fût (subjonctif imparfait)

-> tu crois (verbe « croire »)/ tu croîs (verbe « croitre »)

Le tréma

Le tréma est déplacé sur la voyelle -u pour indiquer qu’elle se prononce dans les mots comportant les syllabes -guë et -guï.

Avant : aiguë, ambiguë et ambiguïté

Après : aigüe, ambigüe et ambigüité

Par ailleurs, le tréma est ajouté dans les mots suivants : argüer, gageüre, mangeüre, rongeüre, vergeüre.

Les noms en -olle et les verbes en -otter

Ils s’écrivent désormais avec un seul -l ou un seul -t . 

Avant : une corolle, frisotter

Après : une corole, frisoter

Il reste cependant des exceptions : colle, folle, molle, botte, crotte, hotte.

Les noms en -illier et -illière

On peut utiliser les terminaisons -iller et -illère pour éliminer un -i  que l’on n’entend pas.

Avant : joaillier, marguillier, quincaillier, serpillière

Après : joailler, marguiller, quincailler, serpillère

Les verbes en -eler ou -eter

Les verbes en -eler ou -eter se conjuguent sur le modèle de « peler » ou « acheter ». « Appeler », « jeter » et leurs composés (y compris « interpeler ») font exception à cette règle.

Avant : j’étincelle

Après : j’étincèle

Laissé + infinitif

Comme celui de « faire », le participe passé de « laisser » suivi d’un infinitif est invariable dans la réforme de l’orthographe.

Avant : je les ai laissés partir

Après : je les ai laissé partir

Ainsi, contrairement à la Belgique ou à la Suisse, il existe en France une tolérance qui admet la présence de l’orthographe traditionnelle aux côtés de la nouvelle écriture. De quoi laisser le temps aux jeunes générations d’influer sur le futur de la langue française.

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Sources :

https://www.projet-voltaire.fr/culture-generale/reforme-orthographe-expliquee-10-points/

https://www.lalanguefrancaise.com/orthographe/guide-complet-nouvelle-orthographe

https://www.gouvernement.fr/argumentaire/reforme-de-l-orthographe-3763

https://www.lefigaro.fr/langue-francaise/actu-des-mots/2016/08/30/37002-20160830ARTFIG00099-que-cache-la-reforme-de-l-orthographe.php

https://www.academie-francaise.fr/actualites/lacademie-francaise-et-la-reforme-de-lorthographe

https://www.orthographe-recommandee.info/enseignement/regles.pdf

https://dictionnaire.lerobert.com/guide/que-sont-les-rectifications-de-l-orthographe-de-1990

https://lactualite.com/societe/orthographe-le-rendez-vous-manque-de-1990/

https://www.liberation.fr/france/2016/02/04/reforme-de-l-orthographe-ce-qui-change-vraiment_1431009/

https://lactualite.com/societe/propositions-pour-une-vraie-reforme/

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Publié le  
16/6/2022
 dans la catégorie :
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